Tirs au but : Loterie ou compétence mentale ?
- Posté par ninopelloli
- Categories Préparation mentale sport : Athétisme - Rugby - Football - Tennis - Basket - Natation - Gymnastique - Golf - Handball et autre
- Date 20 décembre 2022
Nous venons tout juste de le vivre, l’Argentine a été sacrée championne du monde de football en remportant la séance de tirs au but face à l’équipe de France. Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie et avec bienveillance, nous souhaitons poser un constat et apporter notre expertise sur le plan psychologique. Nous apportons d’ailleurs tout notre soutien aux membres du staff ainsi qu’aux joueurs, qui pour certains ont reçu des insultes racistes scandaleuses. Avant de lire cet article, nous vous posons la question : d’après vous, une séance de tirs au but : loterie ou compétence mentale ?
Les tirs au but en équipe de France de football
Le sélectionneur de l’équipe de France, Didier Deschamps, a déclaré ne pas trouver d’intérêt à travailler les tirs aux buts considérant cet exercice comme une loterie et que s’y entraîner finalement : « ça ne sert à rien ». Coté gardien, Lloris a déclaré « Il y a des gardiens qui y parviennent très bien, et moi, ce n’est pas le cas », considérant presque cela comme une fatalité.
Nous reviendrons sur ces déclarations par la suite mais faisons d’abord le point sur le contexte.
Après la défaite en finale de coupe du monde 2006, l’élimination face à la Suisse lors du dernier euro, cette défaite aux tirs au but est la troisième consécutive pour l’équipe de France. Alors faut-il mettre en place des actions pour progresser ou juste attendre que la roue tourne ?
S’entraîner aux tirs au but : « Ca ne sert à rien » Didier Deschamps.
La déclaration complète de Didier Deschamps est la suivante : “Vous pouvez faire tous les tirs au but que vous voulez à l’entraînement, vous n’aurez jamais les conditions d’un match, qui plus est d’une finale de Coupe du monde : 120 minutes dans les jambes, la pression des spectateurs, l’enjeu, la météo. Ça n’a rien à voir, donc ça ne sert à rien“.
En tant qu’expert de la préparation de mentale nous mettons de côté l’aspect physique et météorologique et gardons « la pression des spectateurs et l’enjeu » autrement dit, l’aspect psychologique.
Sur ce point précis, nous sommes d’accord avec lui. D’ailleurs la stratégie inverse du sélectionneur espagnol Luis Enrique qui a demandé à ses joueurs de tirer au moins 1000 tirs au but à l’entraînement à ses joueurs a échoué. En effet, l’Espagne a été éliminée de la coupe du monde par le Maroc lors de la séance de tirs au but en inscrivant aucuns tirs au but malgré trois tentatives. S’entraîner à frapper des tirs au but seul en fin d’entraînement est quasiment inutile.
La différence entre match et entraînement ? Le stress, les émotions … : le mental
Il est effectivement bien différent de tirer des TAB à l’entraînement qu’en finale de coupe du monde car comme le dit Didier Deschamps, il y a : “la pression des spectateurs et l’enjeu”
De plus, lors d’un tir au but : si le joueur marque, c’est normal en revanche s’il rate c’est une catastrophe. Le tireur a alors (presque) tout à perdre.
On le retrouve d’un point de vue neurologique, une étude a démontré que lors d’une séance de tirs au but sous pression, le cortex préfrontal s’active. Où est le problème me direz vous ? Le “problème” est que le cortex préfrontal est une zone du cerveau qui est consacré à la réflexion et notamment à long terme. Cela démontre une grande réflexion sur le geste technique à réaliser ainsi qu’une réflexion sur les conséquences de sa réussite ou de son échec. Tout cela dans un moment où le joueur a surtout besoin d’agir par automatisme, en « pilote automatique » pour réussir un geste technique relativement simple par rapport à son niveau. Trop de réflexion dénature le geste technique avec pour conséquence un tir au but, trop centré (pour assurer le coup) ou en dehors du cadre.
Donc pour bien tirer un tir au but en finale de coupe du monde (ou 3 pour Mbappé), cela nécessite une grande capacité à rester serein, confiant et déterminé. Oui ça se joue dans la tête.
Alors comment faire pour bien tirer son tir au but ?
Individuellement :
Comme nous le disons depuis 10 années maintenant : la tête c’est comme le corps ça se travaille.
Pour Mbappé qui a démontré une très bonne gestion des émotions pour les tirs au but, nous ne sommes pas dans le secret pour savoir s’il travaille avec un préparateur mental ou si les enseignements qu’il a tiré de son expérience (échec face à la suisse au dernier euro avec un tir au but moins puissant et plus centré) ont suffit mais dans tous les cas l’innée n’est qu’une partie infime du résultat. Le travail fait la différence.
Pour les tirs au but (ou pénalty) spécifiquement, savoir gérer ses émotions et son stress est déterminant. Il est normal pour le tireur d’avoir des émotions mais il faut savoir les gérer pour les empêcher de prendre trop d’importance car elles sont délétères pour la performance. La gestion du stress est également très importante car si le joueur marque, c’est normal, s’il rate c’est une catastrophe. A ses yeux, il peut se dire “j’ai tout à perdre”, donc stress.
Ainsi la mise en place d’une routine de performance comportant notamment des techniques de relaxation (et non juste de respiration), un bon dialogue interne, ainsi que le switch pour apaiser ses émotions est un excellent début pour frapper un bon tir au but. Si le gardien va chercher le ballon au ras de son poteau à une vitesse folle, bravo à lui ! Mais le tir au but est bien tiré.
Collectivement :
La mise en place d’un travail collectif est également important pour une équipe qui a pour objectif de progresser dans l’exercice des tirs au but.
Prenons un exemple concret, lors de la coupe du monde 2018 les Anglais ont mis fin à une mauvaise habitude : ils ont enfin remporté une séance de tirs aux buts.
Alors comment ont-ils fait ?
Dans un premier temps, le sélectionneur Gareth SOUTHGATE a reconnu les spécificités de l’exercice :
« Les tirs au but ne sont pas une question de chance. Il s’agit simplement de savoir être performant dans un moment particulier. »
D’un point de vue technique et tactique : entraînement et analyse des tireurs et gardiens adverse
D’un point de vue psychologique : mise en place d’entraînement sous pression. C’est-à-dire de s’entraîner dans des conditions se rapprochant au maximum de la compétition. Pour que le jour J, les joueurs soient préparés.
Comment ca se passe concrètement ?
En s’entraînant à réaliser des tirs au but en partant de la ligne médiane en marchant jusqu’au point de pénalty, (comme c’est le cas en compétition) avec des enceintes projetant de la musique pour perturber le tireur.
Également avec des parcours de mini golf où les joueurs doivent réaliser une performance sous les vociférations de leurs coéquipiers. Nous ne savons pas si, dans ce cas, les joueurs ont été accompagnés par un préparateur mental individuellement mais d’un point de vue collectif il est également possible d’entraîner ses qualités mentales.
Gardien de but : Comment arrêter un tir au but ?
Hugo Lloris, gardien de but : “Il y a des gardiens qui y parviennent très bien, et moi, ce n’est pas le cas”
Le gardien se trouve dans une situation différente. A ce moment précis, un tir au but encaissé est (quasiment) normal et l’arrêt un exploit. Il est alors dans une situation de « défi ». Il a tout à gagner, donc dans une situation moins stressante que le tireur.
La stratégie
Il y a tout un travail tactique et stratégique que Petr Cech, ancien gardien de l’équipe de Chelsea et son entraîneur en club, le français Christophe Lollichon, ont mis en place. Ce qui lui a permis d’être très performant dans cet exercice.
Résultat ? En finale de Ligue Des Champions en 2012 face au Bayern Munich, sur les 6 tirs aux but bavarois, Petr Cech plonge 6 fois sur 6 du bon côté. Il arrête le 5e tir au but, poussant ainsi le dernier tireur, l’expérimenté Bastian Schweinsteiger, à vouloir mettre le ballon le plus loin possible du gardien … poteau et titre pour Chelsea.
Il y a également une phase de lecture du positionnement du tireur, de sa course d’élan et de la situation psychologique dans laquelle il se trouve. (tir au but pour “ne pas perdre” ou pour donner la victoire à son équipe). Tout cela doit se faire rapidement pour une prise de décision efficace.
L’aspect psychologique
D’un point de vue psychologique, le rôle du gardien de but change énormément par rapport au match. Du fait de sa position “d’outsider”, le gardien a tout à gagner. Son rôle devient alors d’impressionner le tireur adverse. Comment peut-il faire ?
Cela a été prouvé scientifiquement dans une situation de duel (comme lors des tirs au but) une grande confiance d’un protagoniste fait baisser celle de son adversaire.
Le gardien doit alors prendre cette posture de confiance extrême pour impressionner son vis-à-vis. Ce que Martinez (gardien de l’équipe d’Argentine) a très bien fait. Il saute sur sa ligne, touche la barre transversale, pour se grandir encore davantage. Il défie le tireur du regard en montrant sa confiance et sa détermination pour l’impressionner. Pour le joueur, la cage parait plus petite et le gardien adverse encore plus grand et plus fort.
Conséquence ?
Le stress du tireur augmente. Il cherche alors à mettre le ballon loin du gardien en prenant de plus grands risques. Lors de la finale, Aurélien Tchouaméni, 3e tireur, tire largement à côté du but alors qu’il est à 11m de celui-ci. Ceci juste après l’arrêt du tir au but du second tireur par le gardien argentin.
Exactement comme lors du précédent exemple en finale de LDC où le tir au but suivant l’arrêt du gardien finit sur le poteau.
Un certain Yvan dirait “Comme par hasard”.
Nous tenons à rappeler que nous apportons notre soutien le plus total à tous les joueurs, gardiens, membres du staff de l’équipe de France. Nous sommes derrière vous. Nous souhaitons simplement dire que …
Oui les tirs au but requièrent de grandes qualités mentales, ce sont des compétences à développer.
Si vous souhaitez améliorer vos qualités mentales pour l’exercice des tirs au but ou pour n’importe quel autre sport c’est par ici :